Ötonöm Septembre 1999 |
Voodoo'z Cyrkle, tribu techno organisant des Free Parties dans la région
toulousaine, perquisitionnée et inculpée en janvier 1999 sera
jugée le 23 septembre 1999 au tribunal d'Albi.
Résumé de l'épisode précédent (cf Ötonöm 02/99)
Juin 1998 : ouverture de l'enquête " Raves parties "
25 janvier 1999 : perquisition et inculpation
23 septembre 1999 : Procès
8 mois de harcèlement et 9 mois de gestation dont l'accouchement risque
d'être douloureux pour les 11 inculpés, la Voodoo'z et l'expression
Free en général.
Toujours sous contrôle judiciaire, les 11 inculpés ont été maintenus sous pression tout l'été. Inflexible, le juge d'instruction n'a rien lâché : refus d'assouplir le contrôle judiciaire, refus de restituer tout ou partie des biens saisis (véhicules, instruments, disques ) et, le 7 avril, il fait arrêter S. par les gendarmes, sur son lieu de travail, et le boucle à la maison d'arrêt d'Albi. Motif invoqué : " s'est présenté en retard à son contrôle judiciaire ". Il restera 4 jours en prison avant que son avocat ne le sorte de là. S. s'est retrouvé dans cette délicate situation parce que sa passion dans la vie est de mettre des disques sur des platines ! Quand à son emploi (ouvrier), il l'a définitivement perdu. A la fin du mois d'août, R. est convoqué par la police qui l'accuse de ne pas avoir respecté son contrôle judiciaire de tout l'été et le menace à son tour d'emprisonnement. Il s'avèrera qu'il s'agissait d'une erreur de la gendarmerie qui avait égaré le dossier justifiant son assiduité au contrôle.
En effet, à la mauvaise foi de la justice et de la maréchaussée s'adjoint leur incompétence : 8 mois d'enquête et des moyens mis en uvre dignes d'un gang maffiosi pour arriver à des conclusions d'enquête parfois ahurissantes : " les Voodoo'z gagnaient en moyenne 100000Frs par soirée qu'ils partageaient ". " La soirée de soutien du Kosovo était destinée à alimenter le trafic d'armes avec l'UCK. ". Bref, quelques ambitieux carriéristes ont cru flairer le gros coup en démantelant le réseau maffieu qui perverti " notre belle jeunesse " avec à la clé trafic de drogue et fraude fiscale. Rappelons en toute bonne foi que les Voodoo'z étaient animés par la passion. Et lorsqu'une soirée rapporte 3000Frs, c'est déjà bien, et ça ne peut servir qu'à être réinvesti dans la prochaine soirée ou à rembourser des crédits sur du son. Quant à la drogue, du propre aveu des gendarmes qui ont enquêté sur le terrain, les Voodoo'z étaient " clean ".
On ne peut encore pronostiquer avec certitude ce qui attend les inculpés
à l'issue du procès. Manifestement, les avocats devraient pouvoir
aisément démontrer la non lucrativité de leurs activités
qui sortent, par définition, du cadre du travail. Il en est de même
pour les stupéfiants dont l'accusation se fonde sur la consommation personnelle
de cannabis. En revanche, le débit de boissons sans autorisation constitue
une infraction grave à la loi de la république, entraînant
de lourdes amendes. L'infraction aux droits d'auteur sera le lieu d'un grand
débat car la musique mixée fait jurisprudence et plus de la moitié
des disques saisis sont issu de white labels exempts de droits. Comment déterminer
quelle proportion de disques soumis à la Sacem ont été
réellement joués en teuf ? Si le procureur prouve l'infraction,
outre amende, le tribunal peut confisquer définitivement le matériel
ayant servi à la diffusion des productions musicales : non seulement
disques et platines mais aussi sono et véhicules ayant servi au transport
du matériel.
Au delà de l'aspect purement juridique qui sera débattu par le
juge, le procureur et les avocats, ce procès représente une première
en France qui, s'il n'est pas déterminant, constitue en tout cas un test
pour la politique menée à l'encontre des Free Parties. A la différence
de ses homologues anglais et espagnols dont la politique se base sur la répression
pure et dure, la France tend la carotte et le bâton : depuis un an et
demi, l'état tente de faire rentrer le phénomène Free dans
un cadre légal et contrôlé, insipide, et dont les diverses
contraintes en matière de pognon, de sécurité et de morale
sont en contradiction totale avec l'expression free. (cf ötonöm mars
98 et février 99). Derrière le stupide slogan " si vous voulez
raver, il suffit de demander l'autorisation " est légitimée
l'over-répression des sound systems incorruptibles. C'est pourquoi il
ne faut pas s'attendre à des cadeaux de la part de la justice aux 11
boucs émissaires, car elle a entre les mains les moyens de valider ce
test.
En attendant leur procès, privés de leur moyen d'expression, sous surveillance permanente, les Voodoo'z remettent en question leur avenir, travaillent pour payer leurs frais d'avocats et essaient de se reconstruire. Sachez que Voodoo'z Cyrkle tel que certains d'entre vous l'ont connu et apprécié n'existe plus.
A propos d'Ötonöm
Ötonöm est un support d'expression écrite dont la parution
est motivée par le violent désir de ses auteurs d'ouvrir leur
putain de gueule.
L'Ötonöm de février 1999 est dans le dossier du juge qui instruit
l'affaire des Voodoo'z. Nous tenons à signaler que Voodoo'z et Ötonöm
ne sont pas directement liés et que les propos répandus sur ce
bout de papier n'engage que le Koloktif Ötonöm. Néanmoins,
nous reconnaissons appartenir au même cercle d'amitié, ce qui justifie
la richesse et la véracité de nos informations concernant les
Voodoo'z Cyrkle. Ötonöm est attaché aux idées utopiques
issues et développées par le mouvement free qui, contrairement
à nombre de mouvements alternatifs à peu parlé au nom de
ses utopies mais les a réellement vécues. La situation des Voodoo'z
nous indigne dans ses buts, ses moyens et ses conséquences. C'est pourquoi
nous avons repris la parole en février 1999, à la suite des dramatiques
évènements qui plongèrent la Voodoo'z dans la tourmente
de l'enfer de la peur de périr de l a mort de pourrir. Nous avons suivis
de près ce qui nous semble révélateur de la fin d'une époque
et tâchons d'attirer votre attention sur les mutations du mouvement free.
Mouvement qui fut un des plus riche et des plus subversif du monde artistique
alternatif de ces dernières années. En effet, l'affadissement
de ce mouvement, la politique menée à son encontre, sa récupération
par les requins du commerce et son pourrissement intérieur (défonce,
irresponsabilité, mode) nous amène à vous alerter (vous
acteurs et spectateurs) sur les risques qu'encoure la formidable liberté
d'expression qu'avaient ouvert les Free Parties Techno. Liberté d'expression
dégagée (presque) des contraintes de l'argent, de la morale, des
discriminations sociales et culturelles
Ce procès est celui de ces gens qui ont pris la liberté d'exprimer
leur conception de l'art et de la fête avec simplicité et responsabilité
et qui se font aujourd'hui rattraper par les contraintes du capital, de la morale,
de la vie sociale et de la loi. Vous qui avez vibré en Free Party (du
temps où on s'y amusait encore), c'est aussi votre procès.