Ötonöm Mars 1998
![]() |
Pour ceux que ça intéresse KESKISPASS ici et maintenant |
![]() |
L'underground est mort, vive l'underground.
Cette fois, c'est officiel, la techno est une culture !!! Sous la pression
de certains " acteurs techno " en mal de reconnaissance, le ministre
de l'intérieur conjointement au ministère de la culture déclarent
la techno " culture populaire ".
En ce sens, le gouvernement entend promouvoir ou faciliter l'expression de la
dite culture, comme il le fit pour le rock dans les années 80. De même
les médias changent radicalement de propos et deviennent majoritairement
pro-techno.
Organisateurs et teufeurs sont concernés par cette subite " reconnaissance
" qui peut être à double tranchant. L'avenir des free parties
en devient plus que jamais incertain.
Rappelez vous en 1995 la circulaire du ministère de l'intérieur
(sous Pasqua), diffusée dans les commissariats et gendarmeries du pays,
intitulé " les fêtes techno, des situations à haut
risque " qui expliquait comment contrecarrer une teuf et arrêter
ses organisateurs. Mais l'engouement sans cesse croissant pour la techno, le
changement de gouvernement et l'insistance de certains " acteurs techno
" pour obtenir une reconnaissance officielle ont abouti aux premiers pour-parlers
technoïstes/état.
En effet, le 13 novembre 1997, les ministères de l'intérieur et
de la culture organisaient un colloque réunissant des représentants
des préfectures de France et des " acteurs du mouvement techno ".
Etaient présents les association technopol, technoplus, le label F.Com,
radio FG et Coda magazine (pas de représentant du mouvement free). Les
hauts fonctionnaires y ont fait part de leurs nouvelles intentions : "
la techno est bien une culture et il y a des ministères pour faciliter
son expansion ". Pour ce faire, toujours selon les hauts fonctionnaires,
" il faut faire rentrer les raves dans un cadre de sécurité,
dans des salles adaptées ( ?), sûres ( ?!) et insonorisées
". Cette volonté a pour conséquence directe d'élargir
définitivement le fossé entre raves officielles et teufs clandestines.
Autrement dit, ce qui s'est dit au cours de ce colloque ne concerne pas les
free parties. Mais, ironie du sort, les free sont victimes de leur succès
qui va croissant et sont en passe de supplanter des raves officielles (cf Coda
spécial free parties janvier 1998). Tout du moins, sont elles en concurrence
directe. Aussi, les associations et les professionnels de la techno présents
au colloque (coda, technopol, technoplus,..) ont délibérément
pris en charge le cas de tous les ravers (" nous sommes l'interface entre
les ravers et les promoteurs de la techno, les pouvoirs publics, les médias
"
technoplus). En bref, les organisations précitées
s'imposent, du fait de leur popularité et de leur détermination,
incontestable à ce jour, comme les portes paroles de la techno française.
Malheureusement ils n'ont rien à voir avec les free parties et entendent
pourtant en discuter avec les pouvoirs publics, les médias, etc
A l'issue de ce colloque, ce nouveau statut officiel et l'accroissement certain
du public ne pouvaient manquer d'exciter les médias toujours prêts
à retourner leur veste dès que le vent tourne. Ces mêmes
médias qui avaient diabolisé la techno en associant rave à
drogue et marginalité, en sont soudainement devenus les plus ardents
défenseurs. En effet, le public jeune représente une frange considérable
de parts de marché et il ne leur est plus possible d'ignorer ces quelques
centaines de milliers de consommateurs potentiels.
On ne compte plus les couvertures de magazine s'affichant " techno ",
de Elle à Télérama en passant par les Inrockuptibles et
Max pour ne citer qu'eux. La techno déferle désormais à
la télé, sur toutes les chaînes, dont le cas le plus édifiant
fut l'émission " Envoyé Spécial ", une institution
de la télé grand public, dans laquelle on a pu assister à
la retransmission d'une free party organisée par la tribu " Corrosive
Sound System " !!
La plupart des grands médias connaissent désormais l'historique
de la techno, tous s'accordent à dire que la drogue n'est pas l'apanage
de la techno et certains tendent même à en banaliser l'usage (cf
Envoyé spécial (pour ne pas choquer ce consommateur potentiel
qu'est le raver)), tous estiment la répression policière injuste
et tous insistent sur la différence entre rave à 150 balles et
free party. Ils affichent une certaine sympathie mêlée de paternalisme
bienveillant pour les tribus autonomes et pirates.
Les médias, et dès lors l'opinion publique (c'est la télé
qui l'a dit, nos enfants vont en free parties mais c'est pas grave, y sont gentils
quand même, juste un peu en crise post adolescente de rébellion
contre la société) voient la techno sous un jour plus rassurant,
soit.
Que va-t-il se passer dès lors pour les free parties ?
Deux conception de la fête s'affrontent :
La conception officielle et sécuritaire
|
Vs
|
La conception des teufeurs que nous
sommes (nous, ötonöm)
|
Pour une soirée réglementaire
|
Pour une teuf qui le fait
|
>Une autorisation préfectorale, pour conserver un droit de
censure et/ou mettre en branle l'organe préventif policier.
|
>Une soirée financièrement accessible à
tous. >Un site inédit et isolé pour installer la fête dans un espace hors du temps et de la vie quotidienne. De préférence en pleine nature mais aussi dans des lieux désertés par l'homme: usines et carrières désaffectées + une déco propice à transfigurer le réel, le tout dans le seul but de transporter les danseurs sur une " autre planète ". >Du son (géré par des musiciens). >Pas de cadre directeur, libre à chacun d'y faire ce qu'il lui plait, chacun se gère, teufeurs et organisateurs. C'est le but premier de la teuf, c'était il y a longtemps l'apanage de carnaval, ce jour de l'an où l'ordre des choses était renversé, où tout était permis. Avec un seul et unique mot d'ordre : respect. C'est un principe bouddhiste, chrétien Le principe de base de vie en société, entre êtres humains. >Le droit à l'improvisation, à la surprise, à l'étonnement, à l'amateurisme, au plaisir gratuit. >Autant que possible, un maximum de spectacles, de happenings, de performances, qu'un maximum d'artistes s'expriment librement ; il en faut plein les yeux, plein les oreilles. >Par dessus tout, une convivialité retrouvée, l'abolition des différences, tous unis dans le même élan festif. C'est l'essence même de la fête. |
Finalement, qu'elle va être la nouvelle réaction de l'état
méga-entreprenarial par rapport aux free et aux tribus ?
Dans les mois qui viennent , on peut supposer que, une fois réglé
le problème des soirées officielles, les pouvoirs publics entament
une campagne de prévention/répression envers les tribus.
Dans le meilleur des cas, il sera proposé aux tribus de rentrer dans
le rang en formant soit des associations officielles avec toutes les règles
restrictives que cela implique ; soit de s'organiser en véritables entreprises
façon diso-mobile. Par ailleurs, il faudra faire des pressions sur les
municipalités qui seront susceptibles de fournir les " sites adaptés
" aux tribus.
Dans le pire des cas, il faudra éradiquer ces " petits délinquants
marginaux " que sont les tribus.
1998 sera sans conteste l'année du succès pour les free parties Peut être la dernière. Alors, profitez en bien, la liberté est fragile.
Ötonöm n'engage que ses auteurs